Inspection générale ou police de l’environnement au Togo ? Différence ou interférence
Il est toujours temps de donner à l’environnement ce qu’il mérite. Au Togo, on note une avancée institutionnelle récente. En effet, par arrêté ministériel du 20 octobre 2025, le ministre de l’environnement, des ressources forestières, de la protection côtière et du changement climatique a créé l’« Inspection Générale de l’Environnement, des Ressources forestières et du Littoral ». Cette structure, directement cotée au ministre, aura une triple mission. D’abord, elle sera chargée d’assurer le contrôle et l’évaluation de la conformité des activités aux normes et politiques environnementales. Ensuite, veillera au suivi de la performance des structures techniques du ministère, et enfin assurera la réalisation de missions spécifiques de contrôle ou d’analyse à la demande du ministre.
La nouvelle institution est caractérisée par un bicéphalisme qu’il faut relever.
Elle se compose de deux entités spécialisées. D’un côté, l’Inspection de l’Environnement dont la mission consistera essentiellement à contrôler les installations industrielles et agricoles, vérification de l’application des normes, prélèvements et analyses. Et d’un autre côté, l’Inspection des Ressources forestières et du Littoral qui devra assurer la supervision du reboisement, protection des forêts et aires protégées, régularité des exploitations forestières et activités de chasse.
Différence ou interférence ?
Si cette avancée institutionnelle marque le début d’une nouvelle dans la gouvernance environnementale sous les auspices de la nouvelle équipe à la tête de laquelle se trouve le Professeur Komlan Dodzi KOKOROKO, une loupe juridique permettrait d’éclairer certaines lanternes. En effet, comme souligné dans les lignes précédentes, la création de l’Inspection Générale constitue une innovation administrative importante, mais elle ne saurait être assimilée juridiquement à la « Police de l’Environnement » prévue par la loi-cadre. La législation environnementale de 2008 prévoit expressément, en ses articles 136 et 137, la création d’une « Police de l’Environnement ». On peut lire à l’article 136 qu’il est créé et rattachée au ministère, une police environnementale qui a pour mission de rechercher et constater les infractions aux dispositions légales et réglementaires. À la lumière de l’article 137, elle dispose de pouvoirs de police judiciaire (visites, inspections, accès aux documents, prélèvements, etc.), exercés par des agents assermentés et habilités. Alors, au regard de ces dispositions, il peut être facile d’assimiler la nouvelle inspection générale à la Police environnementale.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la nouvelle née c’est à dire l’Inspection est un organe de contrôle interne du ministère, chargé d’évaluer la conformité et la performance des structures et acteurs, selon son acte créateur. Tandis que la Police de l’Environnement, elle, est une force de police administrative et judiciaire, investie de prérogatives de puissance publique pour constater les infractions et engager la répression. Alors que l’Inspection agit sur mandat ministériel et dans une logique d’évaluation, la Police agit sur la base d’une habilitation légale et judiciaire.
Ainsi, l’Inspection Générale ne remplace pas la Police de l’Environnement : elle en est plutôt un complément institutionnel, mais ne réalise pas la promesse de l’article 136.
Vers une concrétisation attendue
La mise en place de l’Inspection Générale peut être vue comme une étape préparatoire à la concrétisation de la Police de l’Environnement à plusieurs égards. D’une part, elle permet de renforcer la gouvernance interne et la transparence des actions du ministère, d’autre part, collecter des données et évaluer les pratiques, et enfin, préparer le terrain à une véritable force de police environnementale dotée de moyens coercitifs.
Ce chemin étant désormais tracé, pour que la Police de l’Environnement voie le jour, il reste nécessaire d’adopter le décret d’application prévu par la loi-cadre, de définir le statut des agents (assermentation, formation, pouvoirs de constatation), et de mettre en place une coordination interinstitutionnelle (justice, collectivités, forces de sécurité).
Conclusion
Certes la création de l’Inspection Générale marque une avancée dans la modernisation de la gouvernance environnementale au Togo. Toutefois, elle ne saurait être confondue avec la Police de l’Environnement prévue par la loi-cadre de 2008.
La véritable concrétisation de cette police reste encore à espérer, et son institutionnalisation effective constituerait un tournant majeur pour la protection des ressources naturelles et la lutte contre les infractions environnementales.
Mais, au-delà de toute analyse, ce foisonnement institutionnel en matière environnementale, ne compromettrait pas l’efficacité des actions, car pouvant engendrer des doubles emplois, des conflits d’intérêt entre structures, institutions et acteurs, sans considérer les limites financières, techniques, logistiques ou humains déjà perceptibles ? De toute manière, il faut néanmoins noter qu’en toute logique institutionnelle, il est utile de disposer d’institutions politiques et législatives fortes pour définir, planifie et décider sur notre confort environnemental.
