Corruption : le grand frein au développement au Togo
Agir contre son devoir, dans un sens contraire à ce qui est licite, priorisant les intérêts personnels et égoïstes au détriment de l’intérêt de tout un Etat ; c’est dans ce contexte que se situe la corruption. Cette dernière est un mal qu’il faut bien comprendre et combattre sans cesse avec méthode au Togo, malgré les efforts déjà consentis par les autorités.
Fléau ennemie de tout développement, la corruption constitue une infraction selon le droit pénal (Loi n°2015-010 du 24 novembre 2015 portant nouveau code pénal togolais modifiée par la loi n°2016-027 du 11 octobre 2016). L’article 594 du nouveau code pénal togolais met en exergue les faits constitutifs d’une corruption des agents publics nationaux et ces faits sont variés : il s’agit du fait pour « toute personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ou tout agent de l’Etat de solliciter ou d’agréer, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour lui-même, pour autrui ou une entité afin d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ». En substance, la corruption, infraction pénale, peut se définir comme l’agissement par lequel une personne investie d’une fonction déterminée, publique ou privée, sollicite ou accepte un don, une offre ou une promesse en vue d’accomplir, retarder ou omettre d’accomplir un acte entrant, d’une façon directe ou indirecte, dans le cadre de ses fonctions. La corruption peut donc être passive ou active. Pour la Banque mondiale (19 février 2020, fiche d’information de la Banque mondiale), la corruption est « l’abus d’une fonction publique pour un profit personnel », la corruption « couvre un large éventail de comportements, allant du dessous-de-table au détournement de fonds publics ». Il s’agit d’un mal très grave qui date et selon l’ancien Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), Kofi Annan, « la corruption est un mal insidieux qu’il ne faut cesser de combattre où qu’il se trouve » (huitième Conférence internationale contre la corruption (Lima, 7-11 septembre 1997). C’est un mal qui détruit toute la société entière et non pas un seul individu. Aristote, dans son œuvre « Ethique à Nicomaque », utilise le terme de corruption pour désigner la défaillance dans la santé morale non pas d’un individu mais de la société entière. Dans ce sillage, elle est définie par d’autres auteurs notamment économistes comme un «abus d’une charge publique ayant une influence sur la firme privée» (Waterburry, 1973), le détournement d’un pouvoir public pour des gains privés (Rose-Ackermann, 1975).
Un fléau se manifestant de différentes manières
La corruption est présente dans tous les secteurs de l’administration. La corruption est pernicieuse et se manifeste sous plusieurs formes: la manipulation des textes sur la réglementation et la fiscalité; la complicité des autorités sur les facilités accordées aux investisseurs; la non déclaration des taxes payées sur les revenus des actionnaires. En effet, que l’on soit dans le domaine des transports, dans le processus de recrutement des agents publics, dans les prestations de ces derniers ou encore dans la mobilisation des ressources financières, dans l’affectation d’un fonds à un service donné, la corruption est présente au Togo. « Quand nous surchargeons notre bus transport en commun ou notre taxi, il suffit de glisser une petite somme au policier agent de contrôle sur la voie et il nous laisse passer sans dire mot », a affirmé, le 16 novembre 2024, M.B., chauffeur de bus neuf places faisant le tronçon Lomé-Kara. « Au Togo, moi je crois que nos dirigeants doivent agir de sorte que chacun de nous citoyens puisse trouver à faire et évoluer normalement dans son domaine quelle que soit sa situation familiale. Je suis infirmier en service ici au CHU Sylvanus Olympio (Centre hospitalier universitaire S.O : ndlr) depuis pratiquement dix ans déjà et c’est après avoir passé sans succès 4 concours que j’ai finalement été retenu sur une liste additive à l’issue d’un 5èm concours parce que mon père, débordé, est, par ses relations, allé payer une somme d’argent dont je ne connais pas le montant réel à un responsable du ministère de la fonction publique », s’est confié à notre rédaction, le 30 octobre 2024, à la sortie du CHU Sylvanus Olympio M. T. Par ailleurs, des médecins soignant détournent aussi des malades des hôpitaux publics vers des cliniques privées ou encore des agents de santé empochent directement les coûts de leurs prestations ou vendent des matériaux médicaux. « J’ai eu un accident avec double fracture au niveau du tibia en janvier 2016 et j’ai passé au moins deux semaines au CHU S.O où il m’a été dit que je serai opéré. Après pratiquement deux semaines d’attente, un médecin m’a approché et m’a convaincu qu’il pourra avec son équipe me faire l’opération dont il s’agit dans une clinique privée à un coût moindre où la différence peut aller jusqu’à deux cent mille francs CFA par rapport à ici (CHU S.O :ndlr) », a clarifié à notre rédaction M. K. dans le quartier « forever » à Lomé le 02 novembre 2024. « Pendant mon séjour au CHU S.O, des médecins m’ont vendu des produits qu’ils m’ont prescrits ; des infirmiers aussi après certains pansements m’ont pris quelques sommes me disant que c’est la contrepartie de leurs prestations », a ajouté M.K.
La corruption tel que définie, tel que décrite, érode la démocratie, la confiance dans les institutions, l’État de droit ainsi que la réalisation et l’exercice des droits de l’homme. Elle constitue aussi un obstacle majeur à l’éradication de la pauvreté car elle touche le plus durement les pauvres ainsi que les personnes et groupes les plus vulnérables. Par ailleurs, elle exacerbe les inégalités et touche de manière disproportionnée les femmes, les filles et les personnes handicapées. En outre, la corruption soutient l’existence de la criminalité organisée et a une incidence négative sur la sécurité et la stabilité à tous les niveaux.
Efforts du gouvernement togolais
Selon les informations, la lutte contre la corruption a commencé au Togo avant 1990. « La structure avait évolué sans support conventionnel ni légal, mais plutôt sur des constats. Les réflexions ont beaucoup évolué dans le temps et les institutions ainsi que les textes réglementaires ont été mis en place » (rapport du 12 octobre 2022 de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives : ITIE-Togo).
Dans cette dynamique, des institutions clefs sont mises en place par les autorités togolaises dans la politique de lutte contre la corruption. Il s’agit de la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) qui œuvre pour la promotion de la prévention et de la lutte contre la corruption, la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) qui milite dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la Cour des Comptes qui vérifie la fiabilité des comptes de l’Etat, le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) qui établit le registres des bénéficiaires effectifs des entreprises, l’ITIE qui, à travers la gouvernance ouverte et responsable, oriente les réflexions et les débats sur les circuits de corruption dans le secteur extractif. Pour d’avantage évier des comportements de corruption, le gouvernement togolais a fait adopter des textes dont le nouveau code pénal togolais (en 2015) qui exige les déclarations des bénéficiaires effectifs des entreprises, la loi sur l’accès à l’information publique (en 2016). Des numéros verts comme le « 8277 », le « 1014 » pour dénoncer tous cas de corruption ont été mis en place. Malgré ces initiatives courageuses prises, la corruption persiste dans les différents secteurs.
Proposition de mesures pouvant mieux aider contre la corruption
D’une part, dans l’administration et les services publics, il s’agit de revaloriser le salaire des agents afin de les permettre d’être plus à l’aise car il est prouvé que plus l’individu est pauvre ou démuni, plus il est exposé à la tentation de la corruption. Des actions de sensibilisation doivent être renforcées à tous les niveaux de la société.
D’autre part, il est question de récompenser aussi périodiquement les meilleurs agents et de punir sévèrement avec courage ceux qui seraient impliqués dans un cas quelconque de corruption.
Marc Okuwé